La maîtrise des corps au cœur d’une institution coloniale et sexiste : L’école et l’uniforme

jeudi 26 novembre 2020
par  Sud Éducation Guyane

Où les usagers d’une structure de l’état sont-ils tenus de porter un uniforme si ce n’est en prison ? Un lieu où l’identification doit être rapide et la maîtrise des déplacements et activités, centrale. Le corps du détenu ne doit plus, symboliquement, lui appartenir. Il doit se détacher de l’individualité que procure la jouissance de la liberté et subir une version plus limitée de son existence.

Pourquoi dans les départements d’outre mer (excepté la Réunion), et en Nouvelle Calédonie, applique t’on ce principe aux écoles publiques et à nos propres enfants, si ce n’est historiquement encore une trace de la structure coloniale de nos sociétés ?

Certes, la comparaison est volontairement provocante.

Surtout en ce contexte très national de remise en débat dans l’espace public de la question du « bon » et du « mauvais » vêtement scolaire. Du corps acceptable et du corps inacceptable pour pouvoir apprendre.

Pourquoi le corps doit-il être tant maîtrisé ? Ne serait ce pas justement à l’école d’apprendre à avoir une relation saine à son corps ? A construire une relation au corps hors de la culpabilité ou de la provocation ?

Pourquoi l’école, sur nos territoires est –elle incapable de parvenir à formuler cette idée simple ?

Il est vrai, la pratique majoritaire en Guyane n’est pas celle de l’uniforme mais celle du code couleur. Qui a l’avantage de simplifier la question des vêtements pour beaucoup de familles, de diminuer le budget annuel et de créer une ambiance de groupe plus facilement.

Mais au-delà, ne constate t-on pas que le non respect de ce code couleur (ou des mille et une subtilités du règlement intérieur) peut également devenir un moyen facile d’exclure un élève récalcitrant ? Ou un moyen de moraliser le corps : montrer ses épaules est indécent, malgré les 35 voire 40 degrés de la saison sèche et l’évolution de la place de la femme dans la société contemporaine guyanaise.
Les règlements intérieurs sont pleins de cette volonté de normaliser et de genrer le corps des enfants et des jeunes gens : interdiction des boucles d’oreilles sur les jeunes garçons, ou des cheveux longs (parfois, même nattés) ; jupes trop courtes des jeunes filles, interdiction des « dos nageurs ». Nous nous battons sur des centimètres de tissus. Nous devenons des « tailleurs de la scolarisation ». Des vérificateurs de la « bonne » mine.

A l’heure où dans le monde tant de gens meurent en se battant pour avoir les mêmes droits que les blancs, nous appliquons dans nos écoles les modèles de la bien séance de la société policée européenne et bourgeoise. Chaussures fermées. Épaules couvertes. Bijoux discrets. Cheveux disciplinés.

Il n’y a que dans les écoles du pays amérindien du haut-Maroni que les enfants vont à l’école en kalimbé.

« Vous ai-je dit ou non qu’il vous fallait parler français
le français de France
le français du français
le français français

Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m’en

Ma mère voulant d’un fils
fils de sa mère

Vous n’avez pas salué voisine
encore vos chaussures de sales
et que je vous y reprenne dans la rue
sur l’herbe ou la Savane
à l’ombre du Monument aux Morts
à jouer
à vous ébattre avec Untel
avec Untel qui n’a pas reçu le baptême »

Hocquet, Léon Gontran Damas.

Le magnifique poème de Damas résonne encore dans toutes nos écoles.

Les personnels reconnaissent tous les jours la volonté de leurs élèves de se présenter sous un jour digne malgré les difficultés de la pauvreté, malgré le grand nombre de logements sans eau courante, malgré le coût d’objets de plus en plus faits pour ne durer que quelques mois.

Il n’est pas question de stigmatiser les élèves et les familles, mais de critiquer l’institution qui encore une fois joue le jeu de défendre « des particularismes » alors qu’en fait elle n’entretient que les facilités de gestion et un passé historique douteux. Une institution qui dit encore aux jeunes bachelières sportives que leur tenue d’examen « provoque les garçons » et qu’elles doivent se changer au sortir de leur épreuve…

Qu’espérons-nous de nos jeunes et de nos enfants quand nous leur envoyons autant de messages contradictoires, sexistes, moralisateurs et non argumentés ?

Novembre 2020


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