Souffrance, stress, pressions... nos conditions de travail en question
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La dégradation des conditions de travail des personnels dans l’Éducation Nationale génère de la souffrance, du stress, des pressions. Cela entraîne un mal-être, des dépressions, des suicides. Des études chiffrées font état de 39 suicides pour 100 000 personnels contre 17 pour 100 000 en moyenne dans les autres professions (étude épidémiologique de l’Inserm datant de 2002).
Qu’est-ce qui génère ce mal-être ?
Les causes ne manquent pas et malheureusement chacun d’entre nous a été, est, ou risque d’être confronté à ce mal-être. D’une manière générale, les plus consciencieux sont les plus exposés. Ce qui provoque ce stress :
- des journées non-stop (encore plus dans le 1er degré avec l’aide personnalisée), des classes surchargées, une charge de travail pour les directeurs d’école de plus en plus importante, des difficultés relationnelles entre collègues, un manque de solidarité et de stabilité des équipes, un isolement des personnels...
- un contrôle croissant de la part de l’Administration, un manque de formation pédagogique pertinente, une absence fréquente de remplaçants, la disparition des structures d’aide pour les enfants en difficulté (les RASED...), une demande de l’institution de plus en plus importante (nouveaux programmes tous les 3 ans) qui crée un sentiment d’imperfection permanent...
- un regard dévalorisant sur le métier d’enseignant, un manque de reconnaissance et de confiance en soi… Toutes ces raisons entraînent une « dés-idéalisation » du métier : le travail réel ne correspond pas au métier espéré lors de la réussite au concours.
Les symptômes du “burn out”
Le syndrome d’épuisement professionnel (“burn out”) se décline en trois phases :
- dans un premier temps, une période de grande activité, avec souvent une tendance à « s’en rajouter » et une difficulté à refuser un surcroit de tâches pour fuir le manque de satisfaction, de gratification ou pour fuir l’anxiété (rendez-vous divers, sport,…).
- dans un deuxième temps, un phénomène de « dépersonnalisation » ou de cynisme qui conduit à prendre des décisions de façon plus impersonnelles. On s’implique moins, on se protège, on fonctionne de manière robotisée. Les émotions sont peu à peu anesthésiées. On passe de l’irritabilité à l’explosion de colère voire de l’agressivité. Il y a donc des incidences sur la vie familiale.
- le troisième temps s’exprime par un glissement dans la dépression : sentiment de surcharge ingérable et définitive qui génère une insatisfaction perpétuelle, épuisement, impossibilité de réagir correctement. Une fatigue chronique s’installe (reconnaissable car elle ne disparaît plus après une période de repos). Le travail, omniprésent à l’esprit, empêche de trouver un sommeil réparateur. On n’arrive plus à cloisonner ses pensées entre travail et vie privée. Le phénomène est progressif et insidieux. Il se manifeste par des douleurs squelettiques, viscérales (des ulcères), des rhumes à répétitions, une hausse du taux de cholestérol, d’acide urique, de cortisone, une froideur émotionnelle. Ce sont les manifestations psychosomatiques de douleurs psychiques. Il y a une « déconnexion » entre le corps et le cerveau. Une dégradation de l’hygiène de vie (repas de moins en moins équilibrés, pris sur le pouce, négligence médicale, de l’hygiène, report des soins...). Certains recherche un apaisement par l’alcool ou d’autres toxiques. La personne s’isole et il apparaît des symptômes dépressifs, un repli et une inquiétude de type « paranoïaque », L’implication personnelle diminue afin d’essayer de se protéger. Des incidences sur la vie familiale (fatigue chronique, manque de disponibilité, irritabilité, divorce...) peuvent alors apparaître.
Comment éviter le “burn out” ?
Vers qui se tourner pour trouver de l’aide ?
Un professionnel victime d’un mal-être lié à son travail devrait pouvoir trouver un interlocuteur au sein de son administration. Malheureusement les conseillers appartiennent au dispositif hiérarchique ce qui n’offre aucune écoute neutre de tout jugement. De plus, les personnels de l’éducation n’ont pas de visite médicale (sauf au moment de la titularisation).
Pourtant un regard extérieur et neutre est indispensable. Il est toujours souhaitable de prendre contact avec le médecin du l’Éducation Nationale. Il nous faut aussi réclamer des visites médicales du travail régulières.
Tout comme dans les établissements éducatifs, sociaux, les hôpitaux, il nous faut réfléchir comment créer un dispositif de groupe de parole inter-établissement pour sortir de l’isolement et favoriser la communication entre collègue. En attendant les réunions syndicales restent toujours d’excellents lieux d’échange de vécus et de propositions.
Résister collectivement
Le syndicalisme peut donner une dimension collective à la lutte. Des personnes ayant des affinités communes se retrouvent, une proximité se créer, des dialogues s’installent. Se syndiquer c’est aussi une démarche permettant de briser les solitudes. C’est une aide pour prendre de la distance, pour retrouver l’espoir d’un changement. C’est une démarche salutaire et solidaire.
Enseigner est un métier merveilleux mais les conditions de travail actuelles (et à venir) se dégradent et augmentent le mal-être des personnels de l’Éducation Nationale.
De moins en moins de jeunes diplômés se présentent aux concours, la profession n’attire plus et pour cause !
Ce texte a été écrit à partir des informations apportées par un camarade de SUD Santé Sociaux qui a travaillé pendant 6 ans comme Psychologue Centre Médico-Psychologique (CMP) de St Laurent du Maroni. Depuis il a animé plusieurs journées de stages sur le thème « Souffrance, stress, pression... nos conditions de travail en question ».
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