Génération Antoinette
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Depuis quelques temps, les journaux font leurs choux gras de faits divers de plus en plus fréquents à Kourou. On y apprend chaque jour que la ville est désormais aux mains de bandes de jeunes qui jouent du couteau à la sortie des collèges, agressent, cambriolent et mettent même les forces de l’ordre en déroute. Bref c’est le chao, barricadez-vous chez vous braves gens. La surmédiatisation des problèmes favorise la peur et engendre des réactions excessives d’une population excédée.
Que se passe-t-il vraiment à Kourou ?
Rien de plus que partout ailleurs en Guyane. La démographie galopante engendre des générations de jeunes de plus en plus importantes et les pouvoirs politiques n’ont jamais pris ce phénomène en compte. La répartition des élèves dans les écoles est très hasardeuse obligeant certaines familles à traverser la ville pour amener leurs enfants en classe quand ce ne sont pas les enfants seuls qui se déplacent, à pieds ou à vélo faute de transports scolaires. L’accueil périscolaire n’existe pas. Il n’y a pas non plus de CLAE (Centre de loisirs associé à l’école) ni de CLSH (Centre de loisirs sans hébergement). Les maisons de quartier sont délabrées et abandonnées. Les rares activités organisées pour les jeunes sont saturées. Certains clubs sportifs ne peuvent pas accueillir plus de jeunes faute d’infrastructure adéquate. Le PRE (Programme municipale de réussite éducative) est très instable et change de coordonnateur régulièrement faute de réelle volonté politique. D’ailleurs, tous les ans son budget diminue alors même que les demandes sont de plus en plus importantes. Pour résumer, la politique de la jeunesse de la ville est complètement inexistante. Pour une ville qui compte plus de 25 000 habitants dont presque la moitié de jeunes de moins de 20 ans, ça craint. Ça craint mais ça explique un peu que cette jeunesse désœuvrée ne trouve rien de mieux à faire que de zoner.
Du coté des collèges, ce n’est pas mieux. Ils arrivent tous à un degré de saturation qui engendre de nombreux problèmes. Entre autre on liste : couloirs trop étroits engendrant bousculades et tensions, amplification des horaires d’ouverture engendrant fatigue et déscolarisation pour ceux qui ont eu la chance d’être scolarisés. Là encore les politiques doivent assumer leurs responsabilités. Le futur collège IV n’a toujours pas trouvé une place car la Mairie rechigne à lâcher des terrains constructibles au Conseil Général. Le Conseil Régional n’a pas « voulu » rétrocéder le vieux lycée Castor complètement à l’abandon et qui aurait pourtant fait une très bonne annexe pour soulager un peu les 3 collèges de Kourou.
On ne naît pas délinquant, on le devient
Seule réponse institutionnelle au malaise : des « assises de la sécurité », vaste déballage de haine de la jeunesse sans aucun recul sur la situation et qui a débouché sur une seule mesure : un couvre-feu pour les jeunes de moins de 16 ans. Du vent... Du coup, nombre de citoyens s’arment pour se défendre. Les plus énervés parlent de former des milices de quartier et l’on entend de plus en plus de gens déclarer publiquement qu’ils sont prêts à faire justice eux-mêmes. Les politiques n’y trouvent rien à redire et on a même l’impression que ça les arrange. Et pendant ce temps, la jeunesse trinque. Ici cette jeunesse à un nom, on l’appelle la Génération Antoinette (du nom de l’actuel Sénateur-Maire, aux affaires depuis presque 16 ans). Génération sacrifiée, foutue, qui roule sans casque et qui va droit dans le mur. Mais entre nous, à quoi ça sert de porter un casque quand on n’a pas de futur ?
Pour aller plus loin le rapport de l’ARS sur le schéma d’organisation médico‐sociale de la Guyane
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